Le nouveau roman graphique de Guy Delisle, "Otage", illustre le passage du temps.

Exploration des techniques spécifiques utilisées par l'illustrateur Guy Delisle pour susciter l'empathie des lecteurs à l'égard d'un prisonnier.

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Dessinateur québécois Guy DelisleLes meilleurs travaux de l'écrivain, en particulier ses carnets de voyage, sont les suivants Pyongyang : Un voyage en Corée du Nord, Shenzhen : Un carnet de voyage en Chine et ma préférée, Jérusalem : Chroniques de la ville sainte-a toujours fait preuve d'un grand talent pour capturer des moments dans le temps qui sont porteurs de beaucoup de sens.

C'est en grande partie cette compétence particulière qui fait la force de son nouveau roman graphique, Otage si captivante. Dans le cadre de OtageDelisle raconte l'histoire vraie de l'enlèvement de Christophe André, administrateur de Médecins sans frontières, dans la région du Caucase. Sans rien d'autre que l'histoire de son sujet, Delisle donne aux trois mois d'isolement d'André une vie tendue et stimulante dans des nuages de gris sourds et de bleus ardoise, des couleurs choisies pour imiter l'ennui et l'apparente désespérance de la situation.

La monotonie du livre peut décourager les plus esthètes. Il n'est pas luxuriant et fantaisiste comme les aquarelles vives de Brecht Evens ou dense et riche comme les créations inventives et graphiques de Chris Waremais en Otagemais ce n'est pas vraiment le but. Au contraire, la palette tamisée permet au lecteur d'éprouver de l'empathie pour le temps qu'André est contraint de passer, seul dans un lieu inconnu et incapable de communiquer avec ses amis ou avec ceux qui pourraient (ou, craint-il, ne pourraient pas) travailler à sa libération.

C'est une chose plus difficile à faire en bande dessinée qu'on ne le pense. Et si la transmission du passage du temps sur un support visuel est un défi au cœur de la création de bandes dessinées, c'est aussi un défi auquel sont confrontés les illustrateurs, les concepteurs et les photographes. Ils pourraient apprendre beaucoup de choses sur l'illustration du passage du temps en s'inspirant de Otage.

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Tout d'abord, une explication rapide de la façon dont le temps fonctionne dans les bandes dessinées. Cela commence par la "clôture", un concept décrit dans l'ouvrage de référence de Scott McCloud, intitulé "Le temps de la bande dessinée". Comprendre la bande dessinée comme le "phénomène qui consiste à observer les parties mais à percevoir le tout". Après avoir appris la permanence de l'objet Dès l'enfance, les êtres humains apprennent à établir des liens là où il y a des déconnexions ; des jeux comme le "coucou", par exemple, montrent que même si l'on ne voit pas une personne, elle existe quand même. Dans les bandes dessinées, nous effectuons une fermeture dans les espaces blancs entre les planches, en déduisant l'action qui s'est déroulée entre les planches même si nous ne l'avons pas vue techniquement se produire. Appelés "la gouttière", ces espaces blancs entre les cases sont l'endroit où le temps s'écoule dans les bandes dessinées. Et dans les OtageGuy Delisle en fait un bel usage.

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Sur le site Otage page précédente, André se réveille seul, captif dans une pièce sombre. Il n'y a que trois panneaux à l'œuvre ici, mais cette simplicité est porteuse de sens.

Ne laissez pas vos yeux dévaler la page, absorbez ce que vous voyez. Il s'agit d'instantanés de choses qui se produisent à travers le temps. Dans la première planche, nous voyons juste une ampoule suspendue au plafond ; dans la deuxième, une autre photo du plafond ; et dans la troisième, André allongé sur le côté. Comme un appareil photo à pellicule En établissant la taille d'une pièce, les plans nous donnent le contexte de la situation d'André, mais ils font aussi passer le temps. Dans les interstices entre les panneaux, notre cerveau fait le vide et conclut que la pièce est grande mais vide, qu'il n'y a que le strict nécessaire (lumière et, grâce au radiateur, chaleur), et qu'André est seul.

La fermeture est une chose assez simple (vous n'êtes pas un nourrisson !), mais le passage du temps est un peu plus complexe. Dans le premier panneau, l'angle sous lequel nous voyons l'ampoule du plafonnier suggère que nous la voyons du point de vue d'André. Si c'est le cas, le deuxième panneau suggère que, dans la gouttière qui le sépare du premier panneau, André a peut-être tourné la tête vers une autre partie de la pièce. Le troisième panneau suggère le contraire ; André est couché sur le côté et non sur le dos, ce qui signifie que les deux premiers panneaux n'étaient pas de son point de vue ou qu'ils l'étaient et qu'il s'est déplacé. Était-il endormi pendant ces deux premiers panneaux ? Combien de temps s'est-il réellement écoulé ?

Le troisième panneau est donc une révélation mineure : peut-être qu'une minute s'est écoulée entre ce panneau et le deuxième ; peut-être qu'une heure s'est écoulée. Le fait que nous soyons incertains et désorientés est peut-être exactement le but recherché. Delisle a déclaré Radio publique internationale dans une interview récente : "Je voulais vraiment que le lecteur sente le temps passer, qu'il entre dans la tête de Christophe et qu'il ressente vraiment ce que c'est que de n'avoir aucun contrôle sur sa vie".

Ici, et tout au long du livre, Delisle transmet au lecteur le sentiment d'isolement et de désorientation d'André par le biais de ses images, plutôt que par une simple exposition textuelle. C'est ainsi que des pages comme celle-ci, qui semblaient assez simples à première vue, se révèlent denses de sens et d'intentions.

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Comme le temps se déplace dans l'espace dans les bandes dessinées, la taille des planches est également cruciale pour le langage de la bande dessinée. Plus une case est grande, plus l'œil s'y attarde, plus le temps passe, ce qui, dans les bandes dessinées, est un élément essentiel du langage. OtageIl est parfait pour traduire le ralentissement du temps que Christophe André a dû ressentir au fur et à mesure que son isolement s'aggravait. Prenons par exemple les pages 226 et 227 (ci-dessous) où, après avoir cru être sur le point d'être sauvé, André perd à nouveau espoir.

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Dans la dernière planche de la page 226, qui occupe environ 1/3 de la hauteur de la page, André devient "moins sûr" que de l'aide est en route. Dans le panneau suivant, en haut de la page 227, notre point de vue s'est élargi mais s'est vidé au fur et à mesure que l'isolement s'installe ; ce panneau est plus grand, environ 2/5 ou 40% de la page, soulignant le vide qui entoure André. Le dernier panneau, le plus grand, transmet la plus grande quantité de temps qui s'écoule en exigeant un regard proportionnellement long. Ici, alors que l'état d'esprit du personnage s'aggrave, le temps semble presque s'arrêter.

La dernière planche du livre, une pleine page à la page 432, offre un dernier exemple d'expression du temps en bande dessinée. Il s'agit d'un arrêt complet, d'un long moment étalé sur tout l'espace que permet la taille du livre afin d'exprimer la contemplation et le passage du temps. Comme le reste de l'œuvre de Delisle, pointue et captivante, la OtageIl n'est pas simplement conçu pour être beau, il est conçu pour vous faire réfléchir.

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